Au delà du potager, État d'esprit, Potager et permaculture

C’est la nature qui décide

J’ai joué et j’ai perdu!

Le printemps est là, doucement, et nos envies potagères commencent à titiller le bout de nos doigts. Tous ceux qui aiment cultiver tentent chaque année de faire encore mieux. Anticiper, chouchouter les petits plants, veiller à leur croissance et leur donner le maximum pour que nous puissions récolter en abondance.

Cet hiver, j’ai beaucoup lu et surtout beaucoup appris et digéré de nouvelles connaissances, de nouvelles pratiques culturales. J’avoue qu’en trois ans, ma manière de faire et de vivre le potager à fondamentalement changé.

Les formations que je suis à la microferme du bout du monde m’aident à structurer et mieux organiser la vie au potager avec en point de mire l’autonomie en fruits et légumes. Les échanges entre amateurs avertis sur le groupe Terra potager sont également une source de connaissances précieuse.

Dans les nouveautés de cette année, il y a l’amélioration de la gestion de la couche chaude avec la construction d’un bac dédié. Quel bonheur de voir cette activité biologique, cette fermentation se mettre en œuvre. En une semaine, ce tas de fumier passe de 0° à 75° avant de redescendre doucement et garder une température entre 50 et 25° durant plusieurs semaines avant de s’éteindre.

Ce temps est donc mis à profit pour déposer les jeunes plants bien au chaud et à la lumière dans la serre. Nous savons tous que l’essentiel avant la germination c’est la chaleur, mais après, il faut garder de la chaleur, mais SURTOUT de la lumière sans quoi nos jeunes pousses fileraient.

Un autre aspect de la gestion du potager autonome, est de chercher à cultiver tout au long de l’année pour récolter les fruits continuellement. Là, il faut connaître son terrain, la saisonnalité des cultures et la diversité des plantes hâtives, précoces, tardives, de conservation et j’en passe.

Trop tôt ou trop tard

Nous l’avons vu l’année passée, le média ne cesse de nous le rappeler, le climat change, cela se réchauffe indéniablement. Petit à petit, nous allons vers un climat plus doux et plus chaud, mais aussi plus instable. Les températures varient parfois de 10° en une seule nuit. Il nous faut jongler aussi avec cette notion.

Tenant compte de tout cela, la couche chaude en route, la précocité des plants choisis, l’envie de tester de nouvelles pratiques, je décide donc de commencer quelques semis de tomates, aubergines et poivrons une semaine plus tôt que l’année passée.

Le début de culture se passe admirablement bien. Je rentre les jeunes plants la nuit, car ma serre n’est pas chauffée et la couche ne suffit pas à les maintenir hors gel. Le matin, je vais les remettre dans la serre sur la couche chaude. Et ainsi de suite durant 3 semaines. C’était merveilleux, les plants étaient super beaux, bien costauds, une année prometteuse. Et j’en avais vraiment besoin pour retrouver un peu de douceur après une année bien difficile sur le plan émotionnel.

Après 1 mois, la couche commençait à diminuer en température, mais j’avais encore besoin de ses bienfaits un bon mois supplémentaire. On l’a alors rechargée d’une remorque de fumier frais et cela a relancé la mise en fermentation.

Tout s’effondre

Et c’est là que tout a basculé. J’avais bien entendu veiller à ne pas laisser les jeunes plants dans la serre durant le coup de chaud, tu sais, ce moment où la température grimpe et où il y a des émanations d’ammoniaque. Je savais que ces émanations pouvaient brûler les jeunes plantules.

OK, mais savoir exactement à quel moment il n’y a plus ce risque est parfois imprécis. C’est la nature qui décide !! Je me fie alors au timing, je sais que c’est ± 7 à 9 jours après le début du processus. J’essaie aussi de me fier à l’odeur.

8 jours après, l’odeur était à peine perceptible, la nuit allait être douce et je devais partir la journée pour ne rentrer que fort tard. Je décide donc de tenter le coup et de laisser tous les bébés dans la serre, au chaud sur la couche avec en plus un double voile de culture en guise de couverture chauffante.

Franchement tout était réuni pour que cela se passe bien…

Mauvaise décision

J’ai dû constater que j’avais choisi la mauvaise solution. J’ai joué et j’ai perdu.

Au matin, tout, mais vraiment tous mes plants de tomates, aubergines, poivrons, choux, navets, et même les radis en terre semblaient brûlés. Je ne vous raconte pas mon désespoir de ce matin-là.

Gestion de la couche chaude

Alors, entendons-nous bien, ce n’est pas grave en soi puisque j’avais une belle avance sur le timing du potager. L’idée étant de pouvoir planter quelques semaines plus tôt des variétés hâtives de tomates. Je referai ce test l’année prochaine. Par contre pour les aubergines et les poivrons, c’est plus embêtant, car ce sont des cultures qui demandent beaucoup plus de temps, surtout les aubergines.

Après ce coup dur, j’ai directement resemé et ai nettoyé les plaques alvéolées de ces plantules cramées. Dans le lot, il restait quelques poivrons et aubergines qui montraient une réelle volonté de tenir le coup. Je les ai préservés.

Signification

Un coup dur qui me dit quoi ? Pourquoi ai-je été si affectée par cette histoire ? Pourquoi mon élan est-il cassé ? Je me suis posé ces questions à plusieurs reprises.

Tout d’abord, vous le savez, le potager et en particulier la gestion des semis de printemps est, ce que je préfère et de loin dans une année au potager. C’est une période calme, ou tous les gestes sont ralentis, précis, mesurés. La patience est de mise, il faut attendre le temps nécessaire à la naissance d’une plantule. Et quand celle-ci sort de terre, une réelle joie s’empare de moi. Cette minuscule graine va nous nourrir une bonne partie de l’année. Perso, je trouve cela merveilleux. C’est mon côté fleur bleue, je suppose. Ou peut-être reconnaissante de tant de force déposée en terre.

Ensuite, la pratique potagère est une sorte de thérapie du bonheur. Mon cerveau cesse durant ces quelques heures hebdomadaires de galoper et de stresser. Je redescends en pression, je me sens détendue, presque sur une autre planète. Mes pensées continuent leur chemin, mais sans la tension qu’il y a quand je suis au boulot ou dans d’autres situations. C’est vraiment devenu, pour moi, essentiel, vital. Ce retour à la terre me nourrit.

Alors, quand je fous tout en l’air en une nuit je suis furieuse sur moi-même et tellement triste.

Et puis, on relance la balançoire, on redonne un coup de pédale pour avancer. C’est comme dans tout en fait, soit on s’effondre, soit on cherche un nouvel élan, une nouvelle manière de rebondir.

Les semis, deuxième génération, sont donc en piste, j’en ai profité pour ajouter de nouvelles variétés .

J’avais décidé que le potager ne m’apporterait que de la détente. Il m’a fallu trouver une solution pour me calmer et digérer ce coup dur. C’est assurément un exercice précieux que de repérer quand la tension monte et que ce plaisir de la terre devient moins agréable.

Alors, je choisis de m’arrêter, de m’asseoir dans la serre et de regarder, d’écouter ce qui pousse. Et puis, pour ceux qui me connaissent plus le savent, au fond du jardin, je ne suis jamais seule. Cette communion avec mon frère me permet de me poser et de relativiser la situation.

Je refuse de me laisser emporter pour la colère ou l’amertume.

La vie est précieuse, la terre l’est tout autant. C’est banal comme phrase, mais le mettre en pratique au quotidien est un sacré défi.

J’ai vraiment le sentiment que je n’ai pas de temps à perdre, uniquement du temps pour vivre le plus sereinement possible.

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